Ventilation dans les bâtiments historiques : concilier la performance énergétique à la préservation du patrimoine

Les spécificités de la ventilation dans les édifices patrimoniaux

La ventilation naturelle à l’œuvre depuis des décennies façonne l’équilibre hygrothermique
des bâtiments anciens. Avant toute intervention, un diagnostic poussé est essentiel afin de
comprendre son fonctionnement, mais aussi d’éviter de le perturber.

Plusieurs contraintes sont à intégrer dans la réflexion :

• La conservation des décors intérieurs, des modénatures, des dispositions d’origine. Elles font la valeur patrimoniale du lieu.
• Le maintien des qualités perspirantes des parois anciennes. Elles favorisent les échanges d’humidité.
• La réversibilité des interventions afin de ne pas figer le bâtiment, permettre son évolution.
• L’impact visuel des équipements, des réseaux apparents, à limiter au maximum.

Point d’attention : la loi prévoit des dérogations aux exigences de performance
énergétique dans le cas où les travaux envisagés ont un impact négatif sur le caractère patrimonial du bâtiment (Art R.112-18 du Code de la construction et de l’habitat).

Des systèmes de ventilation adaptés au bâti ancien pour une meilleure performance énergétique

Au cours des dernières années, des solutions techniques performantes ont été développées afin de répondre aux enjeux de la ventilation dans le bâti ancien.

L’optimisation de la ventilation naturelle

Dans certaines configurations, il est possible de conserver le principe d’une ventilation
naturelle en l’optimisant. Par exemple, si le bâtiment présente des atouts comme :

• De grandes hauteurs sous plafond. Elles génèrent un tirage thermique.
• La présence de conduits de cheminées. Ils peuvent servir à l’extraction naturelle de l’air vicié.
• La possibilité de créer des entrées d’air discrètes en façade.

Le recours à des dispositifs complémentaires peu intrusifs comme des extracteurs éoliens en toiture ou des aspirateurs statiques dynamise les mouvements d’air. Par ailleurs, ils s’intègrent de manière subtile dans le bâti.

Une solution écologique consiste à mettre en place un puits canadien, ou « puits provençal ».

L’air neuf transite par des tubes enterrés à l’extérieur avant de pénétrer dans le bâtiment. Il se réchauffe au contact du sol en hiver, se rafraîchit en été. L’objectif est de le tempérer sans consommation d’énergie.

Des VMC simple-flux bien pensées

Une ventilation mécanique contrôlée (VMC) simple-flux peut être une solution intéressante dans le cas où la ventilation naturelle assistée n’est pas envisageable. Le principe est d’extraire l’air vicié de façon mécanique par les pièces humides. L’air neuf entre par des entrées d’air positionnées en façade.

La réussite de l’intégration d’une VMC en site patrimonial repose sur quelques
fondamentaux :

• Centraliser le rejet d’air vicié en toiture. Pour ce faire, il est possible de s’appuyer sur les souches de cheminées existantes.
• Utiliser les vides de construction pour le passage des gaines.
• Choisir des bouches d’extraction à l’esthétique adaptée.
• Privilégier un système hygroréglable. Il module les débits en fonction de l’humidité.

L’option de la VMC double-flux dans les bâtiments très étanches

La VMC double-flux est à envisager dans le cas où le niveau d’étanchéité à l’air visé après travaux est élevé. Son principe est d’extraire l’air vicié comme une VMC simple-flux. Seule différence : elle insuffle de l’air neuf filtré, préchauffé au préalable grâce à un échangeur. Le système assure un excellent confort. Il évite l’effet « paroi froide », les sensations de courant d’air.

La création d’un faux plafond continu est un moyen à privilégier pour intégrer les réseaux de soufflage, d’extraction. Ainsi, les volumes sont conservés. L’utilisation de gaines plates ou mini-circulaires permet de s’adapter aux contraintes de hauteur. Une attention particulière doit être portée à l’isolation phonique du groupe de ventilation, mais aussi au choix de son emplacement (local technique, combles) pour un fonctionnement silencieux.

À noter : la performance d’une VMC double-flux repose essentiellement sur la qualité de l’étanchéité à l’air du bâtiment. Des tests d’infiltrométrie doivent être réalisés en fin de chantier. L’objectif est de contrôler l’atteinte du niveau visé.

Ventilation dans les bâtiments historiques : une réalisation exemplaire signée Soler & Palau

La réhabilitation du bâtiment « Camino de la Estación 86 de Ortuella » à Ortuella (Vizcaya) démontre comment les défis de la rénovation d’un bâtiment historique peuvent être relevés avec succès. Le projet, finaliste des Advanced Rehabitech Awards 2024, illustre l’alliance entre préservation du patrimoine et modernisation énergétique.

Un bâtiment chargé d’histoire

Construit en 1902 comme Casa Cuartel des Miñones de Bizkaia, le bâtiment a d’abord servi de centre judiciaire et de services civils. Agrandi en 1931 avec l’ajout d’un troisième étage, il a été transformé en 1990 en immeuble résidentiel, désormais géré par Alokabide. Sa façade principale, avec ses huit travées et son accès central en arc, ses éléments décoratifs d’origine, témoignent de son riche passé architectural. 

Une rénovation respectueuse, performante

La réhabilitation a été menée par une équipe d’experts, dont Ander Aginako et Iñigo Torre. Elle a relevé le défi d’intégrer des solutions de ventilation modernes tout en préservant le caractère historique du bâtiment. 

Le système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) installé comprend :

• Des extracteurs SILENT DUAL dans les salles de bains. Ils fonctionnent en continu avec une consommation minimale de 5 W.
• Des récupérateurs de chaleur dans les chambres. Ils assurent filtration, régulation thermique.

Des résultats remarquables

La réhabilitation a permis d’atteindre des performances exceptionnelles : 

• Une réduction de 92 % de la consommation énergétique. Elle est passée de 222 kWh/m² à 17,45 kWh/m² par an.
• Une diminution de 90 % des émissions de CO₂, de 37 kg/m² à 3,6 kg/m² par an.
• Une nette amélioration de la qualité de l’air intérieur, du confort des occupants.

À noter : la norme NF EN 16 883 établit les « les principes directeurs pour l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments d’intérêt patrimonial ».

Les 3 points clés à retenir :

• Mener un diagnostic approfondi du bâtiment pour comprendre son fonctionnement hygrothermique, patrimonial.
• Adapter les systèmes de ventilation au cas par cas : ventilation naturelle assistée, VMC simple-flux ou double-flux.
• Privilégier les techniques réversibles, les matériaux perspirants, l’intégration discrète des réseaux.